— LevelPlus : Darius Azarpey, vous êtes chargé de mettre en place des projets autour de la culture d’entreprise et de la marque employeur chez Migros Genève. Quelle est votre mission exactement ?
— C’est une fonction relativement récente mais le travail était déjà existant au sein du département des ressources humaines. Migros change, la coopérative vit une transformation culturelle forte, à l’image de la société ; les mentalités évoluent et il y a de nombreuses situations à débloquer en interne. Ma mission est notamment de sensibiliser les collaborateurs aux questions relatives à l’inclusion, la diversité et l’équité. Je suis persuadé que pour déconstruire de nombreux biais de pensées, nous devons nous connaître et respecter nos différences.
— En quoi l’inclusion ou la culture d’entreprise sont importantes pour une entreprise ?
— Une culture d’entreprise permet de sceller un terreau commun dans lequel on se sent bien et où l’on a envie de rester, d’évoluer… Pour cela il faut avoir une culture qui inclut tout le monde et qui prenne chacun en compte. Chez Migros, cela part de la notion de famille, très forte depuis l’origine de la coopérative et que nous voulons conserver malgré notre transformation. Pour cela, apprenons à nous connaître, à chérir nos unicités et démontrons que prendre soin des collaborateurs participe à une performance juste et qui pérennise. Du fait de la sensibilité sociale de Genève, Migros peut être pionnière en la matière. Les managers et les grandes entreprises ou coopératives doivent faire preuve de curiosité ! Par ailleurs, en tant que coopérative, nous avons la chance de ne pas avoir d’actionnaires, nous sommes légalement soumis à réinvestir et à tout faire pour sauver nos emplois. Cela nous pousse à agir différemment.
— Quelle est la différence entre diversité et inclusion ?
— La diversité, c’est la représentativité. L’inclusion, c’est chérir la diversité, et si on ne donne pas aux collaborateurs le sentiment d’être inclus, la diversité ne servirait à rien. Les deux vont de pair. J’ajoute aussi aujourd’hui la notion d’équité, qui doit être réelle, quantifiable et qui est essentielle pour donner la même chance à tout le monde.
— La question de l’inclusion, de la diversité et de l’équité est vaste, quels sont vos axes de travail ?
Nous travaillons sur cinq piliers : l’équité intergénérationnelle qui est une question que nous travaillons par exemple avec LevelPlus, les personnes en situation de handicap, la diversité culturelle et ethnique, l’égalité des genres et l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Ce sont les cinq grands piliers sur lesquels nous travaillons. Ce sont des sujets sur lesquels tous les collaborateurs ou managers de l’entreprise peuvent gagner en connaissance, et donc il y a tout un travail de communication et de sensibilisation à faire.
— Pouvez-vous nous donner un exemple spécifique d’initiative inclusive qui a été mise en place ?
— Nous privilégions le dialogue et la formation. Par exemple par rapport à l’identité de genre ou l’inclusion de personnes en situation de handicap, j’aimerais mettre en place des formations pour les managers. L’objectif, in fine, est que le manager se rende compte et comprenne que son rôle est de donner la même chance à tout le monde. Par exemple au terme d’un processus d’embauche je dois être persuadé que le candidat a été traité comme tous les autres et qu‘il a les mêmes possibilités d’évolution.
Nous donnons aussi des formations aux recruteurs pour travailler sur les problématiques de biais inconscients, nous travaillons à l’appréhension des recrutements sans CV, etc.
— LevelPlus travaille beaucoup à faire évoluer les mentalités sur le biais de l’âgisme. Pouvez-vous nous donner, sur ce sujet, la vision de Migros ?
— Nous faisons appel à LevelPlus lorsque nous recherchons une nouvelle candidature et nous donnons leur chance aux talents au même titre que tous les autres. L’équité intergénérationnelle est importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il y a un réel enjeu de transmission de savoir et donc de rétention des talents. La nouvelle génération est plus volatile et difficile à garder, avec un turn-over important. Le mentorat nous permet de fidéliser les talents. Par ailleurs, Migros aide à réaliser ce que l’on appelle une carrière en arc, c’est-à-dire de permettre aux plus anciens de bénéficier d’un allégement du temps de travail en fin de carrière, d’un allégement de la pénibilité. On offre des formations, plus de 1500 ! Il y a énormément de leviers possibles.
— Est-ce quantifiable ? Quels critères mettez-vous en place pour vous assurer que la culture d’entreprise est comprise et que votre action a des résultats ?
— Nous ne pouvons avoir de critères chiffrés et précis car nous ne pouvons établir d’objectifs précis. Comment quantifier un sentiment d’appartenance ? D’inclusion ? Nous misons donc sur le qualitatif, à travers des questionnaires, des entretiens. C’est un travail sur le long terme mais qui commence à donner ses fruits.
— Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui commencent à peine à intégrer des pratiques de diversité et d’inclusion dans leur culture d’entreprise ?
— Sensibiliser et démontrer qu’il y a un lien entre inclusion et performance. On utilise presque tous aujourd’hui ChatGPT. Si on n’a aucune idée, pourquoi ne pas demander à l’intelligence artificielle un coup de pouce et demander de traduire une volonté en impact financier ? Il faut se rendre compte que la société et le développement durable dans son ensemble – environnemental, social et sociétal – c’est de l’investissement. Migros joue un rôle fort de par sa position de 1er employeur à Genève. Nous travaillons avec des associations, des fondations, des partenaires extérieurs comme LevelPlus. Il faut avancer ensemble et ne pas rester seul.